uzin@mo = art + food + kulture + muzik + fiction + états d’âmes + karnet + exploration des sens + erotika + littérature de l'étonnement + inspiration + chronique

Sunday, March 12, 2006

Légitime Démence


En 1989, les French B voyaient le jour. Cette formation québécoise était la seule à être autant avant-gardiste à l'époque. Ce qui a joué contre eux. Très engagée, marginale et politisée, les B n'ont pas connu tout le succès qui leur revenait. Ce qui est très dommage! Fait intéressant : les French B ont la réputation d'avoir été les premiers au Québec à intégrer l'échantillonnage à leur musique. En 1998, les B tiraient la plug...

Je vous présente aujourd'hui un article sur cette formation. Article qui avait été choisi pour voir le jour dans les pages du magazine Taxxi en 1998 mais qui a été charcuté à la dernière seconde probablement pour accomoder un riche annonceur (that's the name of the game). Bonne lecture!

Les French B tirent leur révérence

Grands défenseurs de l’underground québécois, les French B se sont débattus comme des démons dans l’eau bénite pendant la dernière décennie pour faire valoir leur cause, celle de la révolution, de la revendication et de l’engagement. À bout de souffle, l’abandon semble la seule alternative.

Vendredi soir, 20 h, rue Saint-Laurent. Une symphonie de klaxons raisonne dans la ville. Les automobilistes avancent à pas de tortues, alors que les chauffeurs de taxi sont au désespoir. Malgré la tempête qui sévit à Montréal depuis les douze dernières heures, rien n’arrête les French B de se pointer au Café Méliès. « Waiter, un pichet de rousse! » Et la soirée commence…

Les French B, c’est un duo devenu trio, puis quatuor. Sans oublier les machines, le cinquième membre du groupe. Mais les French B, c’est d’abord et avant tout un concept, une révolution, une famille. « Pour moi, la rupture des French B c’est un pan de vie qui tombe, c’est une partie de moi qui s’effondre et j’essaie que cela se passe le moins brutalement possible », déclare Richard Gauthier, auteur-compositeur et chanteur du groupe.

L’industrie au microscope
Dix ans après la sortie de l’éternel, Je me souviens (mélange unique au Québec de musique électronique et de sampling), leur seul véritable succès, les French B optent pour la séparation. Initiée par le cofondateur et claviériste Jean-Robert Bisaillon, la rupture n’a rien à voir avec les inévitables problèmes internes qui règnent aujourd’hui dans beaucoup de formations musicales.

Problèmes de distribution, de diffusion, changement de labels (d’Audiogram à Tir Groupé), boycott de la pièce Quitter son pays du dernier album sur les ondes du réseau-monopole Réseau-Mutuel, faillite des disques Cargo : voilà entre autres ce qui a provoqué le départ de Bisaillon. « En ce qui me concerne, c’était une façon de mourir dignement avant que les choses ne se gâtent trop. On a dit ce qu’on avait à dire, on a fait ce qu’on avait à faire, c’était le temps de partir la tête haute », affirme-t-il.

Au sein des French B, tous s’entendent pour dire qu’avec la mondialisation des marchés et le succès indéniable des Dion, Bran Van 3000 et compagnie, l’avenir des formations marginales et underground québécoises ne tiennent qu’à un fil. « Pour pogner ici, y faut que tu saches plaire autant à la grand-mère qu’à l’adolescente aux cheveux verts avec un anneau dans l’nez », lance Gauthier, qui n’a pas sa langue dans sa poche. « On voulait pas ça. On a voulu rester marginal jusqu’au bout. On aurait pu faire deux, trois, quatre autres albums mais lorsqu’une situation n’est pas viable, il vaut mieux passer à autre chose », renchérit-il. « On a toujours été perçus comme des weirdos. Les diffuseurs n’ont jamais voulu nous donner une chance à cause du discours politique qu’on tenait. Le fait qu’on ait déjà dit ostie en entrevue n’a pas aidé non plus », poursuit Bisaillon.

Un vent de changement
La bière aidant, nous faisons un saut dans la machine à voyager dans le temps. Destination : les années 80. Les French B, anciennement French Bastards, sont nés de la mort de Disappointed a Few People, une formation composée de deux francophones et de trois anglophones. « Lorsque la bisbille a pogné entre les anglais pis les français, Jean-Robert et moi avons décidé de quitter le groupe et de former les B », raconte Gauthier.

Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Les French B ont accouché de trois albums : French B (1991) Légitime Démence (1993) et Au-delà du délai (1996). Deux autres joyeux lurons se sont joints à eux : Roger Myron à la guitare et Martin Petit à la batterie. L’expression Plus on est de fous et plus on s’amuse prend ici tout son sens. « Lorsque j’ai commencé à collaborer au troisième album, les gars m’ont dit que l’avenir du groupe était incertain. J’ai quand même eu le goût de m’embarquer », confie Petit.

Engagement avec
un grand E

Au fil des ans, la critique s’est raffinée. Aussi revendicateurs mais moins assommants, n’allez tout de même pas croire que les French B sont devenus des anges! En dix ans, ils ont abordé une impressionnante panoplie de thèmes plus crus les uns que les autres : la souffrance, la folie, la mort, la pauvreté, la misère, l’alcoolisme, la sexualité (sous toutes ses formes), la question de la langue, la situation des Amérindiens ainsi qu’une critique des inégalités sociales et de l’univers de la pub et de la consommation, etc.

Audacieux, ils décidèrent de reprendre Ode à l’ennemi de Claude Gauvreau (sur le premier album) et M. L’Indien (sur le deuxième). Quel tour de force! « Les textes du troisième album risquent de toucher plus les individus au lieu de pointer du doigt toute une société », affirme Gauthier. Pour le deuxième album, Gauthier fait appel à des cours de création littéraire afin de mieux fignoler ses textes et l'album en bénéficie énormément, mais c'est avec Au delà du délai que son écriture atteint sa pleine maturité. Cet amour de la langue française se traduit par une exploitation systématique du double sens et du jeux de mots.


Quelle chanson de leur répertoire les French B préfèrent-ils? La réponse est unanime : Légitime Démence. « Cette chanson est très longue et elle permet à Richard de créer une ambiance tout à fait extraordinaire. En plus, le texte est trippant. Elle représente le manifeste des French B, bien plus que Je me souviens », note Bisaillon.

Moins industriel, plus rock
Toute une évolution que la formation a connu au plan musical! Alors que la musique électronique de The Neon Judgment et de à;GRUMH… du mouvement belge ont jetté les bases musicales du premier album, Bashung a servi de guide pour créer les atmosphères des deux albums suivants. L’utilisation des synthétiseurs et de l’échantillonnage sont encore monnaie courante chez les French B, mais ces derniers servent beaucoup plus à harmoniser les pièces qu’à en être le principal moteur. Quant à la guitare que l’on retrouvait seulement sur deux pièces du premier album (La vie est belle et Exutoire), elle est beaucoup plus présente sur les deux suivants.

Les B et les médias
« Pour un groupe de notre envergure, je considère qu’on a été pas mal bien traité par les médias », affirme Gauthier. Malgré tous les encouragements qu’on a reçus, on jamais obtenu les résultat escomptés. Dix ans plus tard, il faut encore s’autoproduire », de dire Bisaillon.
« Les French B, c’est un duo important qui a supporté la musique alternative au Québec au cours des dernières années. Ils se sont aussi démarqués de la plupart des autres formations grâce à leurs textes. C’est dommage de constater leur rupture! », affirme Claude Rajotte, VJ à Musique Plus.

Dernier acte
C’est dans le cadre du Forum des musiques amplifiées, un organisme ayant pour but de démocratiser la culture par le biais de la musique et de la chanson, que les French B ont livré leur spectacle d’adieu le 31 janvier dernier, à la salle Salaberry, rue Beaudry. Malgré une scène pourtant bien réchauffée par Les Chiens et Guérilla, les B ont joué devant une foule plutôt endormie. Gauthier, Bisaillon et cie en ont tout de même profité pour présenter plus d’une vingtaine de chansons, tirées de leur répertoire. C’est malheureusement tout juste avant le premier rappel, lorsque le groupe a propulsé les premières notes de la très techno Kleenexx, que la foule a enfin donné signe de vie. Gauthier alors de vêtu d’une chienne blanche de scientifique, aux allures des membres de la formation américaine new wave Devo, s’est mis à lancer des rouleaux de papier hygiénique dans la foule, pour ensuite simuler une éjaculation en arrosant la foule avec une mini-pompe à eau. A tour de rôle, joueurs de tam-tams et invités spéciaux (Éric Goulet des Chiens, anciennement des Possession Simple; Marie-Claude De Chevigny au sax et la vocaliste Nicole Mayer) sont venus se joindre à cette grande fête. Une soirée riche en émotions qui s’est terminée par la très belle ballade Train Bleu, extraite du premier album.

La vie après la mort
De son côté, Jean-Robert Bisaillon prévoit poursuivre son association avec le Forum des musiques amplifiées et sa participation au site internet Netmusik (
www.netmusik.com). Pour ce qui est des trois autres, on pense déjà à l’après French B. « La mort annonce toujours une naissance », déclare Gauthier.

Quant au mythe des French B, celui-ci n’est pas prêt de s’éteindre. Ils sont recensés dans deux dictionnaires de musique québécoise et on étudie même certains de leurs textes dans des ateliers de création littéraire!

-30-



2 Comments:

  • Article très intéressant. Je ne connais pas cette formation, mais cela me donne le goût de les découvrir. Très bonne recherche. Bravo!

    By Anonymous Anonymous, At March 13, 2006 4:23 PM  

  • Merci Marc pour cette belle rétrospective des années FrenchB, de ces extraits d'entrevue oubliés! Il est possible de revoir les clips ici en attendant que je fasse une page historique plus conséquente... http://bit.ly/frenchbyoutube
    Salutations. Liver

    By Blogger Jean-Robert Bisaillon, At November 16, 2013 10:06 AM  

Post a Comment

Subscribe to Post Comments [Atom]



<< Home